Les Humains : Une Espèce Irrationnelle
Vous pensez que nous étions une espèce rationnelle ? Ori et Rom Brafman vous prouveront le contraire avec leur livre « Sway: the irresistible pull of irrational behavior« . Dans cet ouvrage, les deux auteurs présentent des exemples concrets de la vie de tous les jours et des résultats de recherches sur notre tendance à agir de façon irrationnelle. Même le plus sérieux scientifique ou le pilote le plus compétent peuvent faire fi d’années d’entraînements ou de procédures formelles dans certaines situations. Ici, je présente quelques-unes des découvertes et exemples les plus intéressants présentés dans ce livre.
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- Deux différentes études, une sur les ventes des œufs en Californie et une autre sur les ventes de jus d’orange dans L’Indiana, ont montré le comportement irrationnel dans les décisions des consommateurs. Quand le prix de ces denrées diminue, les ventes augmentent faiblement. Mais lorsque les prix augmentent faiblement, les ventes diminuent fortement, alors que la variation de prix est la même. La perception de la perte outrepasse celle du gain. Le même effet est démontré pour les forfaits téléphoniques. Entre un forfait mensuel fixe ou un forfait mensuel basé sur le nombre d’appels, les consommateurs choisissent le premier. Cependant, la plupart d’entre eux aurait payé moins avec le forfait. Et même en sachant ça, ils choisiront le forfait fixe « juste au cas où ». Cette perte potentielle fait pencher la décision même s’ils font trop peu d’appels pour rendre leur forfait optimal.
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- L’engagement dans une action, associé à l’effet déplaisant de la perte, peut avoir un effet puissant sur notre comportement qu’il est presque impossible à contrôler. Dans ces conditions, il est plus que difficile de stopper notre action. Prenez par exemple l’expérience des enchères de Bazerman. Ce professeur à Harvard a proposé une enchère pour un billet de 20$ à ses étudiants, avec 2 règles :
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- Les enchères doivent être incrémentées de 1$
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- Le gagnant remporte le billet mais le 2e doit toujours honorer son enchère sans recevoir quoi que ce soit en retour
Dans la première partie de l’expérience, tout le monde participe. Mais à la seconde phase, entre 12$ et 16$, seuls deux étudiants avec les plus hautes mises continuent. En fait, ils sont piégés. L’enchère entre dans la 3e phase : les mises atteignent $20, mais ce n’est pas encore fini. A cause de leur engagement et leur peur de perdre (être second), les mises continuent avec un record à $204. Cela peut sembler impossible mais avec ces deux forces combinées, la plupart d’entre nous ne peuvent pas s’arrêter. Comme disait Daniel Kahneman « se retirer maintenant c’est accepter une perte sûre » en comparaison à un gain potentiel si cela continue.

- Nous avons tendance à attribuer des qualités à quelqu’un ou quelque chose en se basant sur leur valeur perçue plutôt que sur des données objectives. Ce phénomène est appelé « attribution de valeur ». Par exemple, quand Joshua Bell, un des meilleurs violonistes de notre époque, a joué les Sonates et Partitas de Bach pour violon seul dans une station de métro, presque personne ne s’est arrêté pour écouter. A cause de ce qu’il portait (une casquette de baseball et un jean), presque tout le monde l’a considéré comme de la musique de rue et rien d’autre. Un autre exemple est celui du vendeur de hot dog sur Coney Island. A une époque, les vendeurs mettaient leur hot dog au prix de 10 centimes. Un nouveau vendeur arrivé sur le marché, ne les vendait que 5 centimes mais personne ne s’est arrêté à son stand, pensant que ses produits étaient remplis de mauvais ingrédients. Cependant, il s’agissait de la recette de sa grand-mère, tout aussi bonne que les autres. Mais lorsqu’il a pensé à inviter un docteur en uniforme blanc avec son stéthoscope pour manger un hot dog sur son stand, les gens ont commencer à venir grâce à la valeur perçue du docteur.
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- Le biais de diagnostic représente notre tendance à étiqueter les personnes, les idées ou les choses, en se basant sur notre première impression et notre incapacité à reconsidérer ces opinions une fois qu’ils sont faits. Nous sommes tellement attachés à étiqueter les gens, que nous ne pouvons rester neutres. Par exemple,, une classe du MIT a reçu un nouveau professeur pour une journée. Deux différentes descriptions du professeur ont été données à deux différents groupes d’étudiants. Une le mentionnait comme très chaleureux, l’autre comme très froid. A la fin du cours, chaque étudiant a répondu au même questionnaire sur le professeur. Même s’ils ont suivi exactement le même cours avec le même prof, le premier groupe l’a décrit comme « social, populaire, plein d’humour et humain ». Etonnement, l’autre groupe l’a décrit comme « formel, asocial, impopulaire, sans humour et rude ». Les gens ont oublié les données objectives quand elles allaient à l’encontre de leur croyance ou de ce qu’ils veulent voir. C’est pourquoi les entretiens d’embauche sont une façon très superflue d’évaluer un futur employé. En effet, le premier de sa classe sera jugé meilleur que le sixième, même si le sixième est aussi bon, voir meilleur pour le poste. Ce genre d’exemple est représentatif de « l’effet miroir ». Selon le professeur Allen Huffcut « nous basons souvent l’image du candidat idéal sur nous-même ». Un process plus efficace sera de faire passer un test de compétence aux candidats et ensuite utiliser un questionnaire déstructuré pour voir les motivations concernant le job et l’excitation à propos de l’entreprise.
- Nous sommes autant attaché au processus qu’au résultat lorsque nous faisons affaire avec quelqu’un. Des exemples concrets se reflètent dans les processus de vente avec des concessionnaires automobiles, des avocats avec leurs clients, les investisseurs avec les entrepreneurs ou le jeu du « un à un » avec les $10.
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- La notion d’équité varie grandement d’une culture à une autre. Par exemple, aux USA, il est juste d’être riche. En Russie, être riche signifie qu’on a participer à un business illégal ou que vous vous êtes enrichis sur le dos d’autres personnes. Dans les villages Amazoniens, c’est la loi de celui qui trouve/le garde, même dans le cas où il s’agit d’argent.
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- L’incitation financière : lorsque l’on a demandé à deux groupes d’étudiants de passer le MAT, l’examen d’entrée requis par les plus prestigieuses écoles de commerce, les résultats ont été plus que surprenant. On a dit au premier groupe de faire de leur mieux, alors que le deuxième groupe s’est vu offert 2,5 centimes pour chaque bonne réponse. Etonnement, les scores du premier groupe (moyenne de 39/50) ont été meilleurs que le deuxième (moyenne de 35/50). L’incitation financière semble ne pas avoir été aussi puissante qu’espérée. Le même résultat a été observé lorsque deux chercheurs de l’université de Zurich ont demandé à des habitants d’une petit ville s’il accepteraient d’avoir un dépôt de déchets nucléaires dans leur village. La moitié de la communauté a répondu positif. Cependant, lorsqu’une compensation économique mensuelle a été proposée, la part de personnes favorables a diminué drastiquement à 24,6%. C’est la raison pour laquelle offrir des récompenses financières aux employés pour chaque projet ou tâches accomplies n’est pas le meilleur moyen de motiver les équipes.
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- Le centre du plaisir vs le centre de l’altruisme : la région du cerveau appelée vulgairement « sillon temporal postérieur supérieur » ou plus simplement « le centre de l’altruisme » est la partie responsable de nos interactions sociales – comment nous percevons les autres, comment nous nous identifions aux autres et comment nous formons des liens. Le noyau accumbens, connu comme le centre du désir, est la plus ancienne partie du cerveau associé avec le plaisir du sexe, de la drogue et des paris. Mais lorsqu’il est activé, il nécessite de plus en plus de « dose » pour être activé de nouveau, et donc à un certain point, peut causer l’addiction. Par exemple, la cigarette quotidienne se transforme en paquet quotidien; quelques euros dans un casino doivent se transformer en des sommes plus importantes pour activer le centre du plaisir. Le noyau accumbens et le sillon temporal postérieur supérieur ne peuvent être activé en même temps : en somme, c’est soit votre égoïsme ou votre empathie qui guide vos actions et vos pensées à un moment précis.
Tous ces enseignements prouvent que nous tous, en tant qu’être humain, ne peuvent pas suivre constamment une façon de pensée rationnelle. Être conscient de ces écarts entre ce que l’on pense faire dans un certain contexte et nos actions réelles est un premier pas vers la connaissance de nous-même et le contrôle de notre comportement.