"Thinking fast and Slow" par Daniel Kahneman: la "bible" du comportement des consommateurs

Dans cet article, nous allons analyser les découvertes de l’une des plus importantes figures de la psychologie et des sciences comportementales : Daniel Kahneman. Détenteur du prix Nobel d’économie pour son travail sur les biais cognitifs et heuristiques. Ses contributions ont aidé à mieux comprendre nos processus de décisions dans notre vie quotidienne. Détaillons ses découvertes majeures effectués en collaboration avec son collègue Amos Tversky.

Système 1 et Système 2

Tout d’abord, le cœur de sa théorie repose sur la distinction du cerveau en 2 systèmes. Il les appelle simplement système 1 et système 2

Le système 1 est comme un système « automatique » au sein du cerveau. Nous n’avons pas à penser consciemment à nos actions quand nous l’utilisons : peu ou pas d’effort sont nécessaires. L’auteur présente quelques exemples de fonctions effectués par le système 1, telles que :

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  • Détecter qu’un objet est à une distance plus lointain qu’un autre
  • S’orienter vers la source d’un son lointain
  • Compléter les phrases « Caprice à deux, Caprice des… »  ou « Pierre qui roule n’amasse… »
  • Détecter l’hostilité dans une voix
  • Calculer 2 + 2
  • Conduire une voiture sur une route sans autre automobiliste
  • Lire des mots sur une grand tableau
  • Faire du vélo une fois que l’on a appris à en faire
 

Le système 2 alloue son attention aux activités requérant un effort mental comme faire un choix complexe, engager une réflexion ou se concentrer. Ce système accomplit de nombreuses fonctions mais celles-ci partagent toute un point commun : elles requièrent de l’attention. Ici aussi Kahneman présente une liste non exhaustive d’exemples de ces fonctions :

  • Accorder son attention à un clown dans un cirque
  • Focus son attention à une voix en particulier au milieu d’une foule
  • Rechercher une femme aux cheveux bruns
  • Fouiller sa mémoire pour identifier un son particulier
  • Maintenir une vitesse de marche plus rapide que celle naturelle pour vous
  • Compter l’occurrence de la lettre B dans un texte
  • Donner votre numéro de téléphone à quelqu’un
  • Se garer dans un espace restreint
  • Vérifier la validité d’un argument complexe
  • Comparer 2 micro-ondes.
 

Un point important à garder en tête : les systèmes 1 et 2 ne correspondent pas des régions spécifiques du cerveau et ne peuvent être identifier physiquement. Ce sont simplement des concepts développés dans le but de mieux comprendre et visualiser comment nous prenons nos décisions.

La maitrise de ses émotions ainsi que les efforts cognitifs sont des formes de travail mental ; ils peuvent être impactés si votre cerveau est déjà en train d’effectuer une tâche qui nécessite des efforts mentaux.

Par exemple, vous devez retenir un nombre à 7 chiffres, et retenir ce nombre est votre top priorité. Si vous effectuez ce travail et que l’on vous demande de choisir entre 2 desserts, vous serez lus enclin à sélectionnez celui avec le plus de sucre. En effet, votre système 2 est déjà occupé à une tâche, votre système 1, plus orienté gourmandise / plaisir court terme, prendra le pas sur ce choix. 

Il a aussi été démontré que si vous êtes engagé dans une charge cognitive, vous perdrez en contrôle de vos émotions et donc ferez des choix plus égoïste, prendrez des décisions plus superficielles et utiliserez plus de langage sexiste.

Pour illustrer à quel point le système 1 prend automatiquement l’ascendant dans les décisions de tous les jours, prenez cet exemple :

    • Une raquette et une balle coute 1.10€
    • La balle coute 1 euros de plus que la balle
    • Combien coute la balle
 

En suivant un résonnement rapide et votre intuition, un nombre vous vient à l’esprit : 10 centimes. Mais quand vous y réfléchissez plus en détail, votre système 2 recherche la bonne réponse et arrive avec la bonne : 1.05€

2 autres exemples issus des tests cognitifs de Frederick Shane montrent que les gens tendent à répondre avec la première réponse qui leur vient à l’esprit :

  • Cela prend 5 minutes à 5 machines de produire 5 pièces. Combien de temps cela prendrait à 100 machines de produire 100 pièces (100 minutes ou 5 minutes)
    • Sur un lac, il y a un groupe de nénuphars. Chaque jour, le groupe double de taille. Si cela prend 48 jours pour le groupe de nénuphars de couvrir l’intégralité du lac, combien de temps cela prendra pour que le groupe couvre la moitié du lac (24 jours ou 47 jours) 

Un autre effet du système 1 est la tendance à croire aux phrase sou idées qu « semblent » justes, même lorsque cela n’est pas le cas. Le process « automatique » rend très difficile le fait de ne plus croire à l’idée ou la croyance par la suite.

WYSIATI : What You See Is All There Is (Ce que vous voyez c’est tout ce qu’il y a)

Ce concept majeur développé par Kahneman et exposé à travers le livre expose le processus du système 1. Nous sommes désireux de sauter à la conclusion et de ne prendre que les informations qui nous sont mises à dispositions pour effectuer un jugement.

Par exemple, à la question « Est-ce que Alexandre serait un bon leader ? Il est intelligent, fort… », une réponse vient immédiatement à l’esprit : oui. Vous avez pris la meilleur décision basée sur les informations présentées, cependant les prochains adjectifs auraient pu être « corrompu » et « cruel ». En effet, votre cerveau veut des histoires cohérentes.

Biais & Théories

Effet d’amorçage et effet de cadrage :

L’effet d’amorçage montre que nous donnons une réponse ou prenons une décision, basé sur une « idée initiale ». Cet effet est fréquemment utilisé dans les expérimentations psychologiques. En assignant un stimulus à quelqu’un, on espère provoquer un autre stimulus.

Prenons cet exemple pour illustrer cet effet :

  • Si vous avez récemment vu le mot « MANGER », vous serez tenter de compléter S_L par SEL et non SOL. L’effet sera le même si vous voyez « TERRE », SOL vous viendra naturellement à l’esprit.
 

Les auteurs ont longtemps travaillé sur l’effet de cadrage. Il révèle que nous décidons d’options selon comment elles sont présentées : négativement ou positivement, selon un gain ou une perte. Par exemple, nous tendons à être plus confiant d’effectuer une opération chirurgical s’il elle est présentée avec un taux de succès de 95% plutôt qu’avec un taux de raté de 5% .

Un exemple connu de l’effet de cadrage est le problème de la « Maladie Asiatique » :

« Imaginez que les US se préparent pour l’arrivée d’une maladie Asiatique inconnue, qui prévoit de causer la mort de 600 personnes. 2 programmes alternatifs prévus pour combattre la maladie ont été approuvés. Les estimations scientifiques des conséquences de chaque programmes sont les suivantes :

  • Si le programme A est adopté, 200 personnes seront sauvés
  • Si le programme B est accepté, il y a 1 chance sur 3 que les 600 personnes soient sauvés, et 2 chances sur 3 que personnes ne soit sauvé.
 

Una majorité important des répondants choisisse le programme A : ils préfèrent l’option « certitude » plutôt que le « pari ». Les conséquences des programmes sont présentés différemment dans cette seconde version.

  • Si le programme A’ est adopté, 400 personnes mourront
  • Si le programme B’ est adopté, il y a une chance sur 3 que personne ne meurt, et 2 chances sur 3 que 600 personnes meurent.

En comparant de près les 2 versions: les conséquences des programmes A et A’ sont identiques, de même que les conséquences des programmes B et B’. Cependant, dans la 2e version, une large majorité choisis le « pari ». »

La Théorie des Perspectives :

Une autre théorie, développé par Kahneman, est la théorie des Perspectives. Elle suppose que les pertes sont évaluées plus lourdement que les gains. Aussi connu comme la théorie d’aversion aux pertes. Par exemple, la plupart des gens ne tenterait pas le pari suivant :

    • 50% de chance de gagner 100 € et 50% de chance de perdre 100 €.

L’auteur illustre cet exemple avec le graphique suivant :

Il y a 3 principes à cette théorie :
  • « L’évaluation est relative à un point de référence neutre, qui est parfois nommé ‘niveau d’adaptation’ ». Si vous mettez votre main dans un bol d’eau glacé et ensuite dans un bol d’eau à température ambiante, l’eau vous semblera plus chaude que si vous aviez mis votre main dans l’eau ambiante dès le début.
    • Le principe de « sensibilité diminuante ». Si vous allumez une faible lumière dans une pièce sombre, cela aura un effet significatif. Si vous augmentez la puissance de la lumière proportionnellement dans une pièce déjà largement illuminé, cela aura un effet plus faible. Le même principe s’applique à l’argent. Une augmentation de gain de 900 € à 1000 € aura un effet plus faible qu’une augmentation de 100 € à 200 €.
    • Le principe de l’aversion à la perte (ou répugnance à la perte). « Quand on les compare directement ou qu’on les pondère l’un à l’autre, les pertes semblent plus importantes que les gains ». Ce principe à des origines historiques : les êtres vivants considèrent plus les menaces que les opportunités de meilleures chances de survie.
  • On peut résumé la théorie des perspectives dans le tableau suivant : le quadruple modèle

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    • La case en haut à gauche : « Les gens sont averse aux risques quand ils considèrent les perspectives avec des chances importantes de remporter un gain supérieur. Ils sont enclins à accepter moins que la valeur attendu lors d’un pari dans le but de sécuriser leur gain »
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    • La case en bas à gauche : « L’effet de possibilité (…) explique pourquoi les loteries sont populaires. Quand le 1er prix est très important, les participants apparaissent indifférent au fait que leur chance de gagner sont minuscule. Un ticket de loterie est l’ultime exemple de l’effet de possibilité (…) ce que les gens acquièrent avec un ticket de loterie c’est plus qu’une chance de gagner : c’est le droit de pouvoir rêver de gagner »
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    • La case en bas à droite : « c’est lorsque l’assurance est souscrite. Les gens sont enclis à payer bien plus pour une assurance que la valeur attendue (..) ici aussi, les gens achètent plus qu’une protection contre un évènement improbable ; ils éliminent le soucis et achètent une tranquillité d’esprit »
     

    Il a développé le concept de « facilité cognitive », un concept qui s’étend d’une valeur de « facile » à « tendue ». Facile signifie qu’aucune menace n’a été détecté, il n’y a pas besoin de rediriger l’attention ou de mobiliser un effort : tout se passe bien. Tendu signifie qu’un problème est en cours, nécessitant la mobilisation du système 2. Il explique que « la tension cognitive est affectée à la fois par le niveau d’effort actuel et par la présence d’une demande non satisfaite ».

    Nous tendons à être en facilité cognitive quand nous sommes de bonne humeur ou par exemple quand une phrase est écrite sur un font clair et répétée, elle sera traitée avec facilité cognitive.  Selon lui « quand vous vous sentez tendu, vous êtes plus enclin à être vigilant et suspicieux, vous mettez plus d’effort dans ce que vous faites, vous vous sentez moins confortable et faites moins d’erreurs mais vous êtes aussi moins intuitif et créatif qu’à l’habituel.

    Règle de Fin de Point (ou Peak-end Rule)

    Nous jugeons une expérience principalement sur comment nous nous sommes senti à son climax, la partie la plus intense de l’expérience, ainsi qu’à sa fin plutôt qu’à la somme ou moyenne des moments de cet expérience.

    Par exemple, quand nous sommes subissons une opération sans anesthésie, nous tendrons à juger qu’elle était plus douloureuse si la douleur est plus forte à la fin, même si le reste de l’opération était indolore, comparé à une personne qui subit une douleur forte et constante qui diminue à la fin de l’opération.

    Merci à Daniel Kahneman et Amos Tversky pour ces découvertes clés.